L'amère guérison
L'amère guérison
Au sable sans éclat de cette crique sombre,
Sans colère ni tristesse, je suis venu m'asseoir.
La mer dansait ses flots d'une ronde nonchalance
Jusqu'aux pieux étriqués qui étiraient leurs ombres.
Je sais fort qu'un vie ne tient pas que d'un soir
Et que seuls les bruits font vivre les silences
Mais ma peine sans égale ne saurait se suffire
De quelque vérité consentie par fortune
Comme on ressasse en vain une juste litanie.
Mon sort semble scellé, destiné à confire
Dans la mélasse tragique d'un néant taciturne
Où seuls se ressourcent misère et avanies.
Instruit depuis la veille du goût des baisers froids,
Des lèvres consenties sans vraiment être offertes,
Fruit blet et pourrissant de l'amour à mourir.
Morne et calamiteuse, elle sonne au beffroi
L'heure tristement échue de dénombrer les pertes,
De se résoudre au jeûne plutôt qu'à se nourrir.
Le sentiment ne vit qu'au partage qu'on en fait
Sans souci de justesse ni malice d'équité,
Guidé du seul désir d'écarteler son coeur.
Lors que ce sentiment est brisé là, défait,
Nul des deux accusés ne vaut d'être acquitté
Car au terreau stérile ne pousse que la rancoeur.
Que m'importe à venir le temps de la sentence
Puisque d'en être instruit suffit à me détruire.
La patience ne me tient de vertu cardinale,
Je ne saurais souffrir une longue pénitence
En supportant des heures le douloureux à fuir
Dans un vécu morose, strictement machinal.
Puisqu'elle ne s'émeut plus aux fleurs de ma tendresse
Que mes mains sur son corps n'éveillent d'autre désir
Que disparaissent très vite ces manuelles intrusions.
Si plus rien ne s'éveille au doux de mes caresses
Que ma peau à sa peau ne convoque nul plaisir
A quoi bon se bercer de la moindre illusion?
Le sein glacé des flots saura bientôt guérir
La douceureuse langueur qui couvre mon esprit
De la morbide soie de mon propre deuil.
C'est en ces eaux profondes que je souhaite périr
En montrant à la vie que je lui voue mépris
Puisque sur mon amour elle n'a su garder l'oeil.
Je dois me lever et marcher sans faillir
Vers l'étendue marine de ma dernière demeure
Et hâter mon salut vers son létal destin.
Personne ainsi sur moi n'ira se recueillir
Et ne saura le vrai de ma toute dernière heure :
Aux habitants des mers un savoureux festin.
Les nues à l'horizon m'ouvrent tout grand les bras
Tandis que je procède d'un pas lent mais certain
Vers le froid indolent de mon tombeau liquide.
Griffant le clair du ciel de son vol noir et gras,
Un jeune oiseau de mer, délaissant son fretin,
Me couve de ses ailes larges et impavides.
Mes pieds me fuient déjà sous la morsure des ondes
Quand mon oeil soudain attrape une silhouette.
Marchant d'un pas pressé vers là où je me trouve,
Sa forme féminine s'apparente à ma blonde.
Volerait-elle au secours, amoureuse girouette,
De mon coeur poignardé qui gémit et qui saigne?
Le froid gagne tout mon corps mais l'espoir reprend vie
Tandis qu'à ma rencontre celle que j'aime s'avance
Et qu'à mourir, déjà, mon esprit se rebelle.
Las! Je déchante vite! Et reperds toute envie
Devant l'amer constat qu'elle n'est celle que je pense.
Juste une femme, inconnue. Mais mon Dieu, qu'elle est belle!
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021