Au bord des rives
Un thème grave mais reflet d'une indéniable vérité. Celle d'une courbe qui croît avant de redescendre. Et que tout ce qu'on croit finit un jour en cendres. C'est la vie, riche de joies et de peines. Je n'ai pas voulu ce texte triste, juste un appel à la réflexion. J'espère y être parvenu.
Au bord des rives
Sans un bruit elle a pris son sac et son chapeau
A refermé la porte sur la maison qui dort.
Au vent calme de la nuit ne flotte aucun drapeau
Au fronton des façades de la rue corridor.
Elle fuit dans le silence de la ville assoupie
A cette heure où l'aurore ne semble qu'un espoir.
Elle fuit ce lieu morose où sa vie se croupit
Où des jours nés des jours s'accroît le désespoir.
Bien serrées dans sa main dorment les quelques pièces
Qu'elle a subtilisées pour s'en faire un viatique.
Elle rêve qu'elles la mènent en quelque endroit de liesse
Ou du moins en un lieu moins peint de dramatique.
Elle sait que quelque part, cachée dans cette ville,
Sommeille sa maison aux rideaux d'organdi,
Le nid abandonné où elle vivait tranquille
Dans lequel ses enfants avaient trop vite grandi.
Ses pas précautionneux la guident au long des rues,
La portent jusqu'au square qu'elle fréquentait alors.
Elle cherche un tracé mille fois parcouru
En ce vieux temps béni d'une vie indolore.
Sa mémoire vacille, ne sait plus le chemin.
Aucune des allées n'éveille un souvenir
Qui sans haine et sans crainte la prendrait par la main
Pour la mener jusqu'où elle souhaite revenir.
Elle ne sait plus soudain qui elle est, d'où elle vient,
Ni ce qu'elle fait ici au plein coeur de la nuit.
Craignant d'être perdue d'où nul ne revient,
Elle tremble et s'agite voyant que tout lui nuit.
Elle serre sur son coeur sa main pleine de pièces
Prête à toutes les donner à l'âme charitable
Qui serait avec elle aimable et gentillesse
Et saurait tout lui dire sur sa vie véritable.
Petite fille perdue, la vieille dame pleure
Sur sa mémoire qui fuit et sa raison qui meurt.
Ses souvenirs la quittent comme tombent les fleurs
Tandis que dans la nuit naît une vague rumeur.
Elle sourit tout bonheur au visage inconnu
Qui la prend par la main et la berce de mots,
En la guidant paisible comme une vérité nue
Vers un blanc véhicule où se soignent tous les maux.
Elle repart en silence vers là d'où elle a fui,
Cette grande maison blanche où tant de vies s'égarent,
Où l'on garde d'eux-mêmes ceux dont la raison fuit
Et quittent le monde des hommes sans souvent crier gare.
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021
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