Coup de balai
Coup de balai
Cinquante ans s'éloignait dans mon rétroviseur
Age critique du bilan, besoin bien plus qu'envie,
Comme à paraître idiot j'avais mon compte en heures
J'ai fait le grand ménage dans ma petite vie.
A celle qui me trompait au moindre pantalon
Que parfois j'avais honte tellement ils étaient laids
Et qui pensait qu'amour rime avec étalon,
J'ai rendu liberté. Allez, zou, du balai!
Mes enfants me saignaient au dernier fifrelin,
Me croyaient de la banque leur intime relais.
Je leur ai conseillé de se croire orphelins
A trente ans il est temps. Ça suffit, du balai!
A ceux qui prétendaient que j'étais comme leur frère
Mais qui me débinaient aux marches du palais
J'ai signifié congé, que je n'avais à braire
De soi-disant amis. Sauvez-vous, du balai!
Et à ceux de ma rue qui n'aimaient ma couleur
Bien trop sombre à leur goût quand elle n'est que reflet
De leurs pensées primaires, j'ai su qu'il était l'heure
De m'en débarrasser à grands coups de balai.
Toutes les ambitions, les échelles sociales,
Je les ai mises au rang que pour moi elles valaient
Et sises bien serrées avec les haines raciales
Dans une bouche d'égout d'un bon coup de balai.
Et pour tous mes espoirs, mes rêves d'humanité,
L'idée que le vaste monde n'est qu'un petit palais
Où les hommes pourraient vivre en toute fraternité
J'ai su vite où les mettre : la poubelle. Du balai!
La place était bien nette, vierge de toute ombre,
Et je n'avais souffert pas plus qu'il ne fallait
A vouer aux gémonies de mes soucis le nombre;
Tout cela ne demandait qu'un bon coup de balai.
J'ai même pris plaisir à jouer les fossoyeurs
A renvoyer chez elle de stupides frayeurs,
Et si vous me croisez un matin de bonne heure,
Vous verrez mon sourire rayonnant de bonheur.
Des pépites de la vie je suis un orpailleur,
Des rues de la grand'ville je suis le balayeur.
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021
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