Littérature et cinéma

        Entendu récemment cette question posée à une petite fille : "Qui est l'auteur de Blanche-neige ?" Réponse : Walt Disney!  Bon, je ne vais pas traiter cet homme d'usurpateur. D'une il est mort, et donc s'en contrefiche, deux ses studios ont tellement bien géré la chose que la petit fille mérite amplement qu'on l'excuse. Que les frères Grimm se rassurent, et qu'ils ne fassent pas trop les fiers parce qu'ils ont un peu copié eux aussi dans l'affaire, ils ne sont pas les seuls que le cinéma ait phagocyté pour mieux se les approprier. Elia Kazan n'est pas l'auteur d'Un tramway nommé désir et Jean-Jacques Beneix n'a pas écrit 37°2 le matin. Seuls les puristes, ou les tenants de la lecture, se souviennent que Tenessee Williams et Philippe Djian sont les vrais créateurs de ces oeuvres. Oubli très souvent renforcé par la popularité du cinéma et surtout de sa petite soeur télévision armée de son terrible fusil à répétition de rediffusions.

         Je ne critique pas ici le fait que le cinéma puise dans la littérature pour charmer son public, quelle fierté pour un auteur que de voir son oeuvre faire le tour du monde en images, mais le fait que la majorité des spectateurs à se rendre aux projections y vont sans avoir lu le livre, soit par ignorance, soit par manque de goût pour la lecture. C'est en ce sens que mon billet se veut critique car là encore on retrouve un des travers de notres société pressée : le prêt à consommer. Tout le drame du cinéma lorsqu'il emprunte une oeuvre littéraire c'est qu'il bride l'imagination du spectateur et que les acteurs qui interprètent les héros leur imposent dès cet instant de leur indissociable physionomie. Les exemples sont légion de héros que l'on ne saurait dissocier des acteurs qui ont épousé leur rôle. C'est d'autant plus brimant que tout le côté intériorisation d'un livre disparaît dans sa transposition cinématographique. D'ailleurs, et peu pourront me contredire, tout le monde ou presque a entendu cette phrase : "J'ai bien aimé ce film mais le bouquin était mieux". Ce qui à l'évidence n'est pas l'exacte vérité car ce qui était mieux dans le livre n'était pas la trame que le scénario respecte en général assez bien mais toute la construction intérieure que s'était faite le lecteur sur les non-dits du livre (quand bien même il ne s'agirait que de détails) et qui sont absents dans le film puisqu'aucun réalisateur ne saurait adapter l'oeuvre au goût du lecteur, à moins qu'il en tourne plusieurs milliers de versions.

         N'en demeure pas moins qu'il ne faut pas opposer littérature et cinéma puisque ces deux arts sont tout naturellement complémentaires et qu'ils s'aident mutuellement à exister. La vraie chose que je voulais exprimer c'est qu'il est souhaitable de lire d'abord le livre dont on a fait un film afin de ne pas être déçu par l'oeuvre cinématographique. Et tant pis si l'on connaît déjà l'histoire. Je n'ai, pour ma part, qu'un seul exemple à citer de qualité égale d'une oeuvre écrite et réalisée : La ligne verte. Mais peut-être en connaissez-vous d'autre.

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